DÉFINITION ET ORIGINE


"Maréchalerie" désigne la discipline exercée par le maréchal-ferrant. 

La naissance de la maréchalerie remonte à l'époque immémoriale où l'homme a entrepris la conquête du cheval. Les besoins en soins à apporter aux chevaux se sont donc naturellement imposés à l'homme.

 

Le mot "maréchal" provient de l'ancien francique "marhskalk" désignant le domestique chargé de soigner les chevaux et mélangé avec le latin "mariscalcus".

Ce terme a pris ensuite deux sens différents : l'un désignant l'artisan préposé au ferrage des chevaux (maréchal-ferrant) et l'autre désignant le responsable des écuries d'une unité militaire (maréchal des logis).

Aujourd'hui, le terme seul de maréchal s'emploie pour désigner une haute fonction militaire.

L'ORIGINE DU FER à CHEVAL

Les premières protections du sabot

La domestication et l'asservissement du cheval ont perturbé l'équilibre naturel des ses pieds. Les sabots sont sollicités différemment et sur des sols différents. Protèger le sabot devient vite une nécessité.
Les grecs n'utilisent pas encore les fers mais en revanche, on retrouve dans les écrits de Xénophon (historien) l'utilisation d'une pièce de cuir lacée (embataï) pour protèger le sabot sur les terrains abrasifs. Notre hipposandale actuelle ! 
Les romains l'ont ensuite amélioré en fabriquant une hipposandale en métal recouvrant la corne et remontant sur le sabot (photo ci-contre) et maintenue par des lacets en cuir. 
Ces premières solutions nécessitaient une locomotion lente et un usage occasionnel et ne furent donc pas poursuivies.
Une étude de la littérature antérieure à l'oeuvre de Léon VI a mis en évidence dans un traité militaire byzantin (De re strategica) l'utilisation d'une plaque de fer placée sous les sabots du cheval pour les protéger. Il s'agirait ainsi d'un fer plein évoqué dans cette oeuvre datée du VI siècle. On peut supposer qu'il fût similaire au fer oriental (plaque de métal).
 

Les premiers fers pour chevaux

L'origine du fer à cheval est encore très controversé. Des écrits et des fouilles archéologiques ont permis d'apporter un certain nombre d'informations mais aucune certitude sur la naissance même du premier fer.

Les principales théories : 
Ce sont des peuples d'Asie envahissant l'Europe qui auraient apporté l'art de ferrer aux Celtes (400 à 50 avant J-C) qui sont d'adroits ferronniers.


Les premiers fers à clous celtes sont étroits, légers et ondulés avec 6 étampures. Ils n'ont pas d'ajusture, ni crampon et les clous ressemblaient à des clefs de violon. Ils étaient fabriqués par les druides car le travail du fer par le feu relevait de la "magie", de la religion et voire même de la sorcellerie.

Le fer celtique a ainsi amené l'utilisation pratique du cheval de guerre pour les conquêtes et les longs déplacements. Auparavant, le cheval était principalement utilisé pour les déplacements courts, le transport de charges lourdes et travaux divers.


Avec la conquête de la Gaule, le premier fer à clous arrive chez les romains qui l'adaptèrent en taille à leurs chevaux plus grands et plus lourds.

Pendant toute la période gallo-romaine, 4 siècles après J-C, le fer celte ne subit que très peu d'évolution hormis une taille plus grande et la présence de crampons.

Les fers du Moyen-âge antérieurs au XV siècle provenant des châteaux d'Azuel et de Vorbourg ont la caractéristique d'avoir un pinçon très primitif constitué par la pince du fer allongée et recourbée et il a des crampons inversés, les branches étant recourbées vers le haut. L'ondulation du fer disparaît.

Entre le XIV et XV sièclesles fers sont lourds, larges avec 6 à 8 étampures ; ils comportent des rainures et sont avec ou sans crampons.


A partir du XVème siècleles premiers ouvrages concernant la maréchalerie apparaissent et sont d''origine italienne (Grissonne 1429, César Fiaschi 1556 Ruini 1598.) Voir la page sur les premiers maréchaux-ferrants.

Du XVII au XVIIIème siècle, les ouvrages vont se multiplier attestant de l'évolution de la ferrure et de la pratique de la maréchalerie (Solleysel 1664, Bourgelat 1771 en France et Osmer 1759, Clark 1782, Coleman 1798 en Angleterre).

Du XIX au XXème siècle, les observations, les études et améliorations ne cessent de croître. Des fabriques de fers voient le jour. Après 1920, on en compte environ 7 qui produisent chacunes plus de 15 000 tonnes de fers par an.

LES PREMIERS MARÉCHAUX-FERRANTS


L'usage de la ferrure se développe

Au moyen-âge, le chevalier soigne et ferre son cheval lui-même et n'emploie pas les services d'un spécialiste.
Les fers médievaux sont tous conçus pour être cloués : ils limitent l'usure de la corne et favorisent l'adhérence.
Ce n'est que lorsque l'usage de la ferrure à clous se répand que naissent les premiers ateliers de maréchaux-ferrants.
Au XIIème siècle, le terme de maréchal désigne le préposé aux chevaux des écuries royales. Celui-ci est en charge de tous les soins des chevaux dont l'aspect également vétérinaire. Cette fonction nécessite études et connaissances approfondies. 
Alors que le ferrage des chevaux devient très répandu, il faut donc modifier le nom de la profession pour ne pas faire d'amalgame avec le terme enoblissant de maréchal. Les maréchaux-ferrants d'une part et les maréchaux-experts de l'autre.
Ces artisans, qui étaient souvent des forgerons, se consacrent alors uniquement au ferrage des chevaux mais principalement en ville car dans les campagnes l'artisan continue à forger les outils des paysans et autres artisans en plus du soin apporté aux chevaux.
En 1463, les maréchaux-ferrants disposent de leur propre statut.
L'art de la maréchalerie se transmet uniquement par le côté pratique et ne fait l'objet d'aucun enseignement théorique à cette époque.
Le statut de maréchal-ferrant évolue ensuite en lui ouvrant le droit de servir d'intermédiaire dans la vente des chevaux et de les soigner. Il devient alors l'ancêtre du vétérinaire.


Les premiers traités de maréchalerie

Cesare FIASCHI
En 1424 apparaissent les premiers écrits relatifs à la maréchalerie. Ils sont presque tous écrits en italien.
Entre le XV et XVI siècle, l'Italie pose les premières bases de l'enseignement traditionnel de la maréchalerie.
Cesare FIASCHI était gentilhomme de Ferrare où il fonda une école d’équitation en 1534. Ferrare est une ville d'Italie du nord dans laquelle s'organise de célèbres fêtes luxueuses. La renommée de la ville et son importance politique entraine l'évolution de la Chevalerie. Le cheval passe alors de ses fonctions guerrières à objet de luxe et instrument du pouvoir. Les princes caracolaient sur de magnifiques montures et mélaient de plus en plus le cheval à leurs fêtes (joutes, tournois, courses hippiques...)
Cette évolution fait de l'Italie le centre de l'art équestre et donc des connaissances liées au cheval.
En 1556, le célèbre écuyer Cesare FIASCHI publie le premier traité dédié à la maréchalerie :"La manière de bien emboucher, manier et ferrer les chevaux". La première édition est en italien et est dédicacée au roi de France Henri II. L'oeuvre est décomposée en trois livres : l'embouchure ou mors ; la pratique équestre et enfin la pratique de la ferrure.
La réputation de l'Italie dans la maitrise de l'élevage et du dressage est présente dans toute l'Europe et des écuyers italiens issus de l'école d'équitation où professait Cesare Fiaschi s'installèrent partout en Europe jusque dans les haras royaux.
 

Premier ouvrage français sur la maréchalerie

Jacques DE SOLLEYSEL
 "Le parfait mareschal" parait en 1664. Il est l'oeuvre de Jacques de Solleysel, un noble de la région de Saint Etienne qui monta à Paris en 1635 pour étudier et intégrer l'académie de Pluvinel. Menou, écuyer de la Grande Ecurie (auteur de l'ouvrage Instruction du Roi en Art de monter à cheval) lui enseigna l'équitation.
En tant qu'écuyer, il part en Allemagne et en profite pour parfaire ses connaissances vétérinaires. De retour en France, il enseigne l'équitation et dirige l'académie Bernardi de 1653 à 1658 qui est à l'époque l'une des meilleures écoles d'équitation en Europe.
Son livre est un manuel pratique destiné aux maréchaux considérés comme ignorants par Solleysel à l'époque.

CHANGEMENT DE STATUT DU MARÉCHAL-FERRANT

Vers la fin du rôle de soigneur du maréchal-ferrant  

Au XVII et XVIII siècle, SOLLEYSEL étudiait une médecine du cheval non structurée et sans formation précise.
Les maréchaux-ferrants étaient quant à eux à cette époque chargés du ferrage mais aussi des soins apportés aux chevaux.
La santé des chevaux était donc confiée à des gens peu instruits utilisant des recettes transmises dans un milieu fermé et relevant souvent plus de la magie que de la médecine.
Cette lacune fut constatée par BOURGELAT, un écuyer enseignant à Lyon qui comprit l'intérêt de révolutionner les pratiques vétérinaires.
 

Naissance de la première école vétérinaire

Claude BOURGELAT

BOURGELAT suit ainsi des cours de médecine humaine et entreprend la publication de ses écritures hippiatriques (extérieur du cheval, anatomie,physiologie et médecine thérapeutique) mais il est confronté à un refus d'enseigner par les autorités qui plient sous le poids des maréchaux-ferrants. Il crée toutefois une école de maréchalerie et se fait des amis qui sont ouverts à ses idées comme Malesherbes et Bertin. Le sérieux problème de l'hécatombe des animaux domestiques à l'époque sont l'arguments de ceux-ci pour faire accepter le projet de Claude BOURGELAT. 
Le 4 août 1761, le conseil d'état autorise BOURGELAT à ouvrir sa première école consacrée à l'étude des maladies de tous les animaux.
Pas uniquement dédiée aux chevaux, la création de cette école permit de ménager la susceptibilité des maréchaux-ferrants.
En 1762 , les métiers de maréchal-ferrant et vétérinaire se différencient, la première école vétérinaire de Lyon est créée, puis celle d'Alfort en 1765.
Le maréchal-ferrant perd son statut de soigneur.
 

Philippe-Etienne LAFOSSE : le plus célèbre des Maréchaux

Il est le maréchal-ferrant le plus connu (1738-1820) d'avant la création de l'enseignement vétérinaire. Ce domaine est une affaire de famille puisqu'il est le fils d'Etienne Guillaume LAFOSSE, un des premiers médecins équin qui s'est battu pour faire reconnaitre la médecine vétérinaire comme une science à part entière.
Il apprend la maréchalerie aux côtés de son père puis s'intéresse à l'anatomie humaine.
En 1766, il publie le "Guide du maréchal" destiné aux maréchaux-ferrants pour les aider dans leur métier.
BOURGELAT, qui a crée la première école vétérinaire, lui en refuse l'accès en tant qu'enseignant. LAFOSSE éprouvera une vive rancoeur contre lui et s'évertuera à critiquer son enseignement tout au long de sa vie. Ainsi, en 1767, LAFOSSE fils créé son propre amphithéâtre et enseigne gratuitement les pathologies équines et l'anatomie du cheval. 

EVOLUTION DE LA MARÉCHALERIE


Evolution de la maréchalerie jusqu'à nos jours 

Les premières écoles de maréchalerie ont vu le jour et les techniques évoluent. De nombreux ouvrages verront le jour (Traité du pied du cheval de H.Bouley, 1854 ; Traité de maréchalerie vétérinaire" de A.Rey, 1865...)

Au XVIII siècle, les chevaux descendent dans les mines pour remplacer les humains et des fers en cuivre sont créés pour éviter les étincelles. Cette époque verra également apparaitre l'étampure régulière, l'ajusture, la ferrure à chaud et les aplombs.

En 1826, l'école de maréchalerie de Saumur est créée. 

La loi du 21 mars 1884 permet la création et l'action des syndicats professionnels. La chambre syndicale des patrons est créée en 1887. En 1903 la fédération des patrons devient la fédération des chambres syndicales patronales des maréchaux-ferrants, puis change de nom en 1925 pour confédération nationale des maréchaux-charrons-forgerons.

L'acier fait son apparition au milieu du XIX siècle.

En 1900, les fabriques de fers se développent et on en compte 7 en 1923. La ferrure se perfectionne.

Le fer Napoléon est le premier fer à l'envers. Il a été soi-disant élaboré pour tromper l'ennemi sur le sens de déplacement de la cavalerie napoléonnienne. Bien d'autres formes de fers verront également le jour à cette période.

La maréchalerie orthopédique est identifiée au cours du XIX siècle. La protection du sabot n'est plus le seul but du métier ; les boiteries sont le sujet de fabrication de nouveaux fers complexes.

La guerre de 14-18 utilisera encore la maréchalerie militaire.

L'évolution industrielle avec le chemin de fer et le triomphe de l'automobile signera la fin d'une apogée de la profession. Les équidés sont remplacés par les locomotives et la voiture remplace la traction animale.

Une reconversion du métier s'impose et certains deviennent forgerons ou mécaniciens mais la technicité augmentant, la plupart des maréchaleries seront condamnées à la fermeture.

En 1960, c'est la fin d'une profession. 

Ce n'est sans compter un retournement de situation inattendu. La démocratisation de l'équitation de loisir se développe dans les années 70 et le nombre de cavaliers croissant relance le métier de maréchal-ferrant.

Le XX siècle voit l'apparition de nouveau matériaux et alliages qui seront utilisés en maréchalerie comme l'aluminium pour les fers, le silicone, les amortisseurs à base de silicone, les résines ..... L'outillage est de plus en plus sophistiqué.

 

LA MARÉCHALERIE ACTUELLE

 

Au cours des siècles, l'utilisation du cheval n'a cessé d'évoluer. Pendant longtemps, son fonctionnement locomoteur correspondait principalement à un travail en traction sur des trajectoires droites et des sols plutôt durs.

De nos jours, avec l'arrivée de l'équitation de loisir, le cheval est monté, sollicité en vitesse, de façon plus intense sur des trajets plus ou moins longs, sur des trajectoires en courbe et sur des sols plus pénétrables. Son appareil locomoteur ne fonctionne donc plus du tout de la même façon et il a été nécessaire de s'adapter en termes de ferrures mais aussi en connaissances techniques et biomécaniques.

La maréchalerie suit ainsi l'évolution de l'utilisation que l'homme a fait du cheval.

Malheureusement, pour la plupart, la maréchalerie se résume encore au simple fait de ferrer le cheval et n'est pas considérée à sa juste valeur comme étant une profession qui demande beaucoup de connaissances et de technicité.

De nos jours, la maréchalerie est un art qui demande de la connaissance en anatomie, en locomotion, en pathologies équines et la discipline demande également une grande technicité en raison de l'évolution des matériaux et des techniques.

Jusqu'en 1997, la profession n'exigeait pas de diplôme. Depuis il est nécessaire d'avoir un CAPA Maréchalerie ou encore un BTM Maréchal-ferrant pour exercer.

 

Maréchal-ferrant : un métier qualifié

Autrefois, c'était le cheval qui venait à l'atelier ; la forge représentait un lieu social fort. Aujourd'hui, c'est le maréchal-ferrant qui vient au cheval. 

C'est donc un nouveau maréchal-ferrant qui réapparait suite à la fin de la profession en 1960. Tout a changé. L'utilisation du cheval, le rapport à l'animal et le lieu d'exercice.

Son travail consiste à ferrer les pieds des chevaux et à s'occuper de leur parage et des aplombs. Equipé d'un véhicule-atelier, le maréchal-ferrant se déplace vers ses clients. Il dispose de tout le matériel dans son véhicule : forge, enclume, étau, fers, perceuse, outils de maréchalerie...

Encore à l'heure actuelle, le métier de maréchal-ferrant n'est pas toujours reconnu comme une profession très qualifiante alors que la discipline requiert de très nombreuses aptitudes, compétences théoriques et pratiques : 

  • Maitriser l'anatomie, la biomécanique, la psychologie et les pathologies de l'animal
  • Avoir une grande capacité d'observation et d'analyse
  • Aimer travailler en extérieur
  • Aimer les chevaux
  • Avoir une bonne dextérité
  • Possèder une bonne condition physique
  • Connaitre tous les nouveaux matériaux et techniques utilisés
  • Avoir de bonnes qualités relationnelles

 

 L'activité est physique et usante en raison des conditions de travail pénibles et ainsi le métier fait souvent l'objet d'une reconversion de carrière.